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    Confessions d'un Homme du Nord. Galvan.

    Rälkezad de Glace-Sang
    Rälkezad de Glace-Sang
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    Date d'inscription : 05/08/2011

    Confessions d'un Homme du Nord. Galvan. Empty Confessions d'un Homme du Nord. Galvan.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Dim 7 Aoû 2011 - 0:17

    [La présente suite de récits fait écho à l'histoire d'Arwaelyn et de Rälkezad. Lesquels récits participent d'une certaine idée du BG du Nord du continent de Lordaeron.

    Ces trois personnages se répondront sans s'en rendre compte dans leurs récits, complèteront leurs histoires respectives et donneront des points de vue parfois différents des mêmes évènements.

    Les évènements relatés vont de l'époque un peu antérieure à l'avènement du Fléau et se poursuit jusqu'à nos jours.

    Bonne lecture.]




    Je suis né il y a de cela 38 ans sur les terres à l’Est de l’ancien Royaume de Lordaeron, dans la région que l’on appelle maintenant Valnord.

    De par ma naissance, j’étais appelé à servir des gens mieux nés que moi. Après avoir un temps aidé mon père aux travaux des champs, sur le fief du Seigneur Rodric, mes parents furent autorisés par notre seigneur à rejoindre une partie de notre famille sur des terres plus au Sud, dépendant de l’influence commerçante de La Main de Tyr et non plus de celle de Stratholme.

    Cependant je ne devais pas longtemps rester dans l’état de paysan, car je fus surpris à mes douze ans en train de braconner dans les bois de notre nouveau Seigneur. Je fus pris et mes parents auraient désespéré tant pour moi que pour eux-mêmes si le frère de notre nouveau seigneur, de voyage sur ces terres, n’avait pas trouvé l’affaire amusante et n’avait pas demandé comme une faveur à son frère de me confier à lui.

    Mon Seigneur accepta la demande de son frère, qui était par sa nature généreuse et décidée une personne à qui on ne refusait rien. Il vint lui-même me chercher dans ma geôle, et je n’oublierai jamais notre première conversation. Je dois dire qu’il parla pour deux, car j’étais bien trop terrorisé pour bredouiller plus que quelques mots.

    Il m’apparut cependant très vite que celui qui allait devenir mon nouveau maître n’était pas un noble comme les autres, pour autant que je pouvais en juger à l’époque et ce sentiment s’accrut durant les années qui suivirent.

    Moitié aventurier, moitié diplomate, il possédait des terres dans le Nord, qui lui venaient d’anciennes allégeances prêtées à des Princes Hauts Elfes. Mais il n’aimait rien tant que de voyager entre le Royaume de Quel’Thalas et les terres à l’Est du Royaume de Lordaeron. Il était selon ses termes en affaires avec des Magiciens, des Princes Bien Nés et des êtres que les paysans de Lordaeron ne voyaient jamais en toute une vie. Il semblait à mes yeux vivre ces aventures que l’on conte dans les légendes.

    Il avait besoin d’un garçon qui sache prendre soin d’un cheval et de son cavalier, faire le feu sous la pluie et la soupe de châtaigne le soir mais surtout, disait-il en souriant, sangler correctement un harnais de voyage.

    En quelques années, j’appris à faire cela et bien plus. J’appris également à vivre dans les légendes, lesquelles sont dans le Nord par nature plus froides et humides qu’on ne les raconte aux enfants le soir pour les émerveiller.

    C’est lui qui m’apprit à lire, par désœuvrement les soirs de bivouac, me laissant m’entraîner sur des missives princières officielles et des dépêches diplomatiques publiques. Il n’exigeait qu’une chose : que je lave mes mains avant de lire…

    Je suivis d’années en années ce Maître doux et terrible à la fois, généreux mais habile, dont je ne connus que très tard les tourments.

    Il allait souvent à La Main de Tyr rencontrer des partenaires d’affaires, et les terres de son frère étaient un relais idéal avant de paraître devant les seigneurs Hauts Elfes et les Princes Marchands avec lesquels il buvait comme avec n’importe quel commun.

    Et en effet, mon maître connaissait de nombreuses personnes dans le Nord et dans le Sud, et dans l’Ouest aussi. Je m’étonnai au début de l’entendre parler d’affaires sans le voir jamais faire transporter de ballots par une caravane, mais il me disait qu’il transportait dans sa tête et sa sacoche de selle d’autres sortes de biens qui pouvaient se monnayer aussi bien que des chariots d’épices ou de métal.

    Je lui demandai alors s’il était une sorte d’agent de Cour, moitié diplomate moitié courtisan ou espion, ce à quoi il répondit en riant qu’il n’était pas un chien de cour. Il était libre. Il allait et venait comme il l’entendait.

    A cette époque il n’était point encore père, et ce furent les années les plus exaltantes, les plus incroyables et les plus humides que je connus jamais.

    Mais je ne raconterai pas plus les affaires personnelles de mon Maître, dont je tais le nom à dessein ; ce sont en effet mes confessions et non les siennes que je relate. Non pas que mes aventures me paraissent plus dignes d’être écrites que celles de mon Maître.

    Car si je dis « confessions », c’est bien qu’il y eut crimes ou à tout le moins péchés. Et que le repos de mon âme exige, tel un impérieux commandement, que je me confie au présent carnet comme à un ami que je n’ai jamais eu le temps ou l’occasion de me faire.


    ***

    Rälkezad de Glace-Sang
    Rälkezad de Glace-Sang
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    Confessions d'un Homme du Nord. Galvan. Empty Re: Confessions d'un Homme du Nord. Galvan.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Dim 7 Aoû 2011 - 0:17

    Lorsque j’y songe aujourd’hui, j’ai bien commis quelques actes que la conscience peut reprocher à un honnête homme.

    De mon premier braconnage à mon dernier acte, j’ai suivi bien des chemins et pris quelques détours que peu d’hommes empruntent, peut-être parce que j’ai un temps suivi la voie d’un être d’exception.

    Je ne me reproche guère les actes que je fus amené à accomplir sur l’ordre de mon Maître. Ces actions étaient contraintes par les liens de servitude et mon Maître haïssait de toute manière la félonie ou le mensonge. Être diplomate exigeait une autre forme de vérité que celle pratiquée par les communs, mais elle interdisait le mensonge, selon lui, ce qui lui permettait de suivre une voie courbe mais point malhonnête.

    Même lorsqu’il voulait séduire une femme, qu’elle fut noble ou non, il ne me demandait pas comme certains l’auraient fait de le flatter en son absence devant la belle ou encore d’induire des pensées dans le cœur et la tête de la personne qui faisait l’objet de ses attentions. Il n’avait point besoin de m’y contraindre, car par la franchise et la loyauté il obtenait les mêmes résultats et les mêmes actes de moi.

    C’est à la tragique fin de sa vie que je fus conduit à m’écarter de l’exemple qu’il m’avait montré. J’en viens à croire que jusqu’au bout, il m’avait amené par des chemins que j’aurais été incapable de suivre sans lui et que j’étais resté ce jeune braconnier, ce coureur de bois qu’il avait sauvé un jour de la potence et que son absence révélait à nouveau.

    On dit que l’ombre du Maître occulte celle de son serviteur, peut-être que la mienne redevint simplement celle de mes débuts sans gloire ni honneur dans ce monde, qu’elle serait restée si ma route n’avait pas rencontré la sienne.


    ***


    Hélas, même aujourd’hui, comme les souvenirs de la chute de Lune d’Argent me reviennent ! Avec quelle cruelle précision et quelle fraicheur !

    Mon Maître avait rejoint à la hâte ses domaines du Nord, où il avait fait venir son unique enfant, qu’il avait eu de la plus douce fille du Nord que mes yeux m’aient donné à voir. Hélas, la mère était morte en couches et mon Maître ne put jamais revoir sa fille sans que le cruel souvenir de ce qu’elle lui avait coûté ne vienne le hanter. C’est pour cela qu’il continuait à son âge à courir les routes du Nord. Une de ses voisines, Princesse Haut Elfe, avait accepté de prendre sa fille comme page, le laissant aller à ses courses.

    Mais le Fléau avait paru. Il détruisait les Royaumes et corrompait les êtres comme les terres. Les forestiers de Quel’Thalas lui avaient livré une guerre habile mais vaine et les Bois des Chants Eternels lui étaient à présent ouverts.

    Comme ces temps charrient encore dans mon cœur la détresse ! Des hommes du Nord, bloqués chez les elfes par l’avancée de l’ennemi s’étaient réunis. Ils s’étaient armés et participaient aux dernières défenses. Mon Maître commandait à cette cohorte quand vint le moment où il lui fallut choisir le lieu de son dernier combat.

    Contre les ordres des Elfes, il choisit de se battre sur les terres qui comprenaient le domaine de son amie et voisine Haut Elfe et son propre domaine, à Brise-d’Azur et non à Lune d’Argent, qu’il savait condamnée.

    Mais avant, il me commanda de sauver sa fille de cet enfer, par tous les moyens honnêtes comme malhonnêtes qui se présenteraient à moi.

    Il n’en vint pas un d’honnête. Je les utilisai tous.


    ***


    J’avais souvent apporté des lettres de bon voisinage à la famille voisine du domaine de mon Maître, lorsqu’il ne pouvait se déplacer lui-même, pris par le temps...

    Je connaissais leurs terres presque aussi bien que les nôtres, et mon œil d’ancien braconnier relevait maints détails jusqu’alors inutiles à un homme de bien, du moins le pensais-je.

    Je savais que la fille de nos voisins se plaisait à utiliser un tout petit voilier, que pilotait son serviteur personnel lorsque l’envie lui venait d’échapper à l’étiquette de sa condition.

    J’avais un temps lié une connivence avec ce serviteur, car sa petite maîtresse entrait dans le même âge que la fille de mon Maître et nous échangions quelques propos de gens de même condition. En outre, les deux fillettes se connaissaient bien, pour avoir longtemps vécu dans la même Maison. Pour autant que leurs conditions respectives les y aient incitées, elles avaient noué une sorte d’amitié que leur jeune âge avait permis.

    C’est le serviteur de cette jeune fille Haut Elfe qui m’indiqua les rudiments de pilotage des voiliers. Suffisamment pour sceller sa perte, ainsi que celle de sa petite maîtresse…

    Lorsque mon Maître m’ordonna de sauver sa propre fille par tous les moyens que je pourrais saisir, je revis en un éclair le petit voilier, amarré aux minuscules quais que possédaient nos voisins dans une crique en contrebas des falaises.

    Leur manoir était en feu, mais les quais étaient suffisamment éloignés du manoir pour que je tente de m’y rendre.

    Je dus traverser une terre dévastée par l’Ennemi et ma connaissance des bois me permit de prendre de vitesse ennemis et défenseurs.

    Arrivé aux quais, je détachai l’amarre du voilier, la seule embarcation encore à quai et pris la direction du domaine de mon Maître. Le temps pressait et la Maison de Mer n’allait pas tarder à être encerclée par les Morts du Fléau.

    En arrivant sur le rivage que dominait la Maison de Mer, j’essayai hâtivement de camoufler le voilier et me mis en quête de la petite Arwaelyn.

    Elle se jeta dans mes bras lorsque je parus sur le perron de la Maison de Mer, car elle était abandonnée de tous à présent. Les serviteurs allaient et venaient, sans buts ni espoir, semblables à des bêtes affolées qui ont rompu leur bride et qui ruent dans des bâtiments en feu.

    Je n’étais pas comme eux. J’avais un but, qui était de sauver la jeune Arwaelyn. Et un espoir : le voilier que j’avais laissé sur le rivage. Je pris Arwaelyn par le bras et l’entrainai avec force vers les marches de pierre qui menaient au rivage.

    A cet instant, des hurlements à faire dresser le poil sur les bras s’élevèrent des bois environnants et Arwaelyn, prise de faiblesse, ne se soutint plus. Je dus la porter jusques en bas des marches, sur le rivage.

    ‘Las !, le voilier avait été découvert par deux femmes, des servantes de notre maison, qui sans vraiment connaître la navigation voyaient malgré tout un moyen de quitter ces contrées maudites. Mais le voilier ne pouvait contenir sans danger que deux personnes.

    Arrivé à leur hauteur, je leur dis sourdement que le voilier ne les porterait pas.

    Elles me répondirent avec emportement que je ne pouvais les empêcher de monter à bord. Elles comprenaient que je pouvais piloter l’embarcation et les sauver, alors elles se firent pressantes. Elles sauraient récompenser mes actes en femmes, ce que la jeune fille ne pouvait promettre.

    Je restai cependant inflexible à leurs cajoleries ou leurs suppliques et les yeux écarquillés par la peur, rendue folle par le danger, l’une d’elle se jeta sur Arwaelyn, toujours sans forces, et je dus la laisser choir sur le sable pour m’interposer.

    Saisissant ma lame de botte, je frappai la femme à la poitrine. Elle ne voulait pas mourir et tenta de me griffer les yeux dans un dernier mouvement de vie, je frappai encore et la repoussai d’un coup de pied dans son ventre rougi.

    Atterré et comme frappé par la foudre, je regardai le sang sur mes mains et la seconde femme s’enfuit en courant, non sans m’avoir maudit et traité de meurtrier.

    Je portai de nouveau Arwaelyn et la posai sur le voilier, que je poussai à la mer.

    Il ne me fut pas aisé d’éloigner notre embarcation du rivage, dont les courants étaient différents que dans la crique de nos voisins et qui nous repoussaient sans cesse vers la côte.

    Je parvins malgré tout à nous faire longer les côtes, repassant par les falaises et les brisants qui jouxtaient les terres de nos voisins.


    C’est là que j’assistai à la fin de la petite Haut Elfe et de son serviteur, prisonniers des terres. Nul doute que le serviteur avait pensé au voilier lui aussi, mais il avait du constater que les quais étaient vides.

    Leur fin horrible me hante encore. J’avais sauvé la jeune Arwaelyn mais pour ce faire, quatre personnes étaient mortes ou condamnées de mon fait. Digne ou non de la charge confiée par mon Maître, je poursuivis une route qui semblait devoir être marquée par ma déchéance morale.

    Nous fumes recueillis avant la tombée de la nuit par un navire Haut Elfe qui avait quitté à temps Lune d’Argent, avec à son bord de nombreux survivants. On nous dit que le navire s’en allait croiser vers Menethil et que les hommes de l’Alliance prendraient soin de nous.


    Mon expérience des hommes en ces temps de malheur fit que je doutai en mon for intérieur de l’accueil que nous réserveraient les gens du Sud. J’eus l’occasion de m’emparer de bijoux dans une cabine, sans doute appartenant à un noble ou encore à un officier en paiement de son droit de monter à bord quand d’autres étaient refoulés.

    J’avais vu les encoches sur le bois du navire, révélant quel avait été le sort de bien des malheureux sur les quais de Lune d’Argent. Mais qui étais-je pour juger les marins ? N’avais-je pas moi-même acquis par le sang le petit voilier ?

    Je n’hésitai pas et dissimulai mon larcin contre ma poitrine. Je ne doutai pas que ces objets de valeur pourraient acheter le retour à meilleure fortune de ma jeune Maîtresse.

    Bien il m’en prit ! L’accueil de la soldatesque du Sud me laissa entrevoir que l’heure était plus à la prise d’armes qu’à la consolation des réfugiés du Nord. Ce n’est que par la rouerie et la corruption que j’obtins de marins entreprenants qu’ils nous fassent entrer à Hurlevent par voie de mer. En effet, les routes étaient réquisitionnées pour les transports et les convois militaires.

    A Hurlevent aussi l’heure était à la mobilisation.

    Mais certaines personnes trouvaient en ces heures sombres matière à tirer profit des malheureux. Hurlevent voyait venir à elle des réfugiés, dont certains étaient nobles ou simplement fortunés.

    Les agents de Cour et autres entremetteurs allaient autour des malheureux comme des vautours prêts à déchirer une pièce de viande. Les prêteurs sur gage et les brigands travaillaient à leur labeur particulier du lever du jour jusques très tard dans la nuit.

    C’est en ayant appris les dispositions générales de la Cité que je fis la rencontre d’un agent d’une famille noble établie au Sud de Comté-de-l’Or mais assidue à la Cour des Wrynn. Je cherchai à l’intéresser au sort de la jeune Arwaelyn en lui narrant notre périple depuis le Royaume de Quel’Thalas.

    Je lui demandai en concluant mon récit si le Roi n’allait pas porter secours aux personnes nobles qui avaient fui le Nord.

    Après m’avoir regardé avec attention, il me fit valoir que les temps rendaient les gens durs et que le Roi devait s’enquérir de la guerre, laquelle allait sans doute mobiliser toute son attention.

    Par chance, la famille qu’il représentait était en intelligence avec l’un des Ministres du Roi, lequel pourrait sans doute examiner la situation de l’orpheline avec bienveillance.

    Mais même lorsqu’il parlait de cœur et de bienveillance, cet homme gardait la mine dédaigneuse des gens faits de rouages et de calculs. Cependant si le salut de ma jeune Maîtresse devait dépendre de personnes telles que lui, alors je n’avais pas le choix. Je le menai à Arwaelyn et l’entretien qui se déroula sous mes yeux, pour être déroutant, sembla déboucher sur une conclusion heureuse. L’homme nous fit loger à une auberge décente loin des quartiers fréquentés par les journaliers, les mendiants et les coupe-jarrets.

    Mais l’homme ne tarda pas à exiger de moi des entretiens, lesquels portaient sur Arwaelyn, ou plutôt sur la famille de ma jeune Maîtresse. D’abord confiant en leur bienveillance, je leur fis valoir les biens que possédait l’orpheline, auxquels nous pouvions sans doute ajouter ceux de la branche collatérale, consistant en moult titres et biens dans les terres orientales. Le fait que ces domaines fussent occupés par le Fléau ne semblait pas empêcher cet homme de noter chaque détail et j’en vins à concevoir que la famille qu’il représentait s’intéressait beaucoup à des détails qui m’avaient de prime abord semblé sans grande importance pour le bonheur futur de la jeune fille.

    A cette époque, d’autres rescapés parvenaient à atteindre Hurlevent, comme le Nord tout entier semblait s’effondrer devant le Fléau. Des disparitions étaient rapportées, des assassinats de ruelles semblait-il, mais qui visaient bien plus souvent des nobles que de simples réfugiés.

    Les exilés de noble lignage s’en émurent et portèrent des requêtes à la Cour. Ils étaient soutenus en cela par les rares parmi les leurs à posséder aussi des biens dans le Sud. Des partis se constituaient et une sorte de fièvre politique montait parmi eux.

    De prime abord je ne m’intéressai pas à ces humeurs nobiliaires, car cela me parut le propre des gens de haute naissance de se préoccuper plus de choses et de gloires passées que de gagner son pain en épousant le labeur des honnêtes gens.

    Bien que l’or de mes poches vînt d’un larcin, je me figurais que ma jeune Maîtresse était heureuse de m’avoir car je lui évitai de vivre dans la misère ou le danger, sans qu’elle n’ait besoin de tomber dans les cercles de clientèle des réfugiés, lesquels reproduisaient ou essayaient de reproduire à l’échelle du Sud leur société hiérarchisée.

    Des gens vivaient misérablement mais recevaient encore les hommages de personnes bien plus prospères, et tout allait ainsi. Mais les jeux de pouvoir et les fortunes de guerre redistribuaient rapidement les cartes.

    Cela je l’appris en retrouvant un serviteur qui avait jadis appartenu au Seigneur Rodric de Valnord. Son seigneur mort, il avait retrouvé du service auprès d’un autre noble, qui était un tenant du Parti Loyaliste, mais qui possédait des terres au Sud. Il me fit valoir que je ferais bien de demander à le servir plutôt que de m’embarrasser d’une miséreuse sans condition acceptable, qui n’allait pas tarder à tomber dans la nasse des sudistes qui plus est. Son langage reflétait bien la pensée de certains et je compris enfin que nos protecteurs se servaient ou n’allaient pas tarder à se servir d’Arwaelyn pour des affaires de Cour et de Nobles auxquelles je n’étais pas préparé.

    Je pris cependant le parti de la raison, du moins me sembla-t-il. Il me parut que le Nord ne serait pas relevé avant longtemps, quand bien même les Nobles pensaient pouvoir s’illusionner à ce sujet.

    L’avenir d’Arwaelyn me semblait appartenir au Sud à présent. J’acceptai bientôt de devenir la créature de nos protecteurs, lesquels me firent connaître qu’ils projetaient ni plus ni moins de faire épouser Arwaelyn à un de leurs fils. Lorsque je m’en étonnai, on me répondit que l’affaire était déjà engagée dans le meilleur intérêt de ma Maîtresse.

    Je compris enfin que leurs contacts avec l’homme d’État à la Cour des Wrynn n’avaient qu’une seule fin : non pas de faire octroyer quelque terre et une situation à Arwaelyn, mais de se faire reconnaître comme tuteurs légaux de la jeune fille.

    Pour ce faire, ils faisaient valoir tout le bien qu’ils faisaient à la jeune fille, laquelle était désormais entretenue à leurs frais dans la cité de Hurlevent, avec des serviteurs et un logement. Ils avaient argué de leur désintéressement et de l’état orphelin d’Arwaelyn, ainsi que les dangers qui menaçaient une Dame dans les circonstances actuelles.

    De connivence ou simplement dupé par ces gens, le Ministre s’apprêtait bientôt à leur reconnaître le statut de tuteurs. Nul doute que les tuteurs avaient déjà choisi le futur époux de leur protégée.

    Qu’aurais-je pu faire pour aller contre ces puissants ? L’intérêt de ma Maîtresse n’était-il pas au contraire que je laisse les choses aller dans ce sens ? Ces seigneurs étaient prospères sinon puissants à leur manière. Ils avaient des vignes au Sud, des bénéfices de mines, des revenus et des obligations royales. Ils étaient d’authentiques potentats locaux, qui sauraient protéger Arwaelyn des intrigues que l’on ourdissait contre les réfugiés du Nord qui osaient exprimer des avis contre la Cour du Sud.

    Quel autre chemin Arwaelyn aurait-elle pu prendre alors ? Celui de ces quelques miséreux, intrigants et rêveurs qui pensaient encore pouvoir rapidement recouvrer leur grandeur, critiquant les opérations de guerre mais impuissants à y participer vraiment ? Des seigneurs qui conservaient leur indépendance Nordiste comme leur dernière vertu, mais qui en réalité ne faisaient que la monnayer au meilleur prix ?

    Je ne pouvais de toute manière pas faire de choix, ignorant comme je l’étais de la politique. Arwaelyn ne me semblait pas prête à prendre son destin en main. Elle avait tant à perdre en s’opposant à ses protecteurs !

    Mais je me rends compte que je me défends encore contre l’aveu du plus impardonnable de mes crimes. Ma confession resterait incomplète si je taisais ce qui restera la raison de mes tourments. Car mon âme ne connaîtra pas la paix tant que personne ne dira à Arwaelyn que son serviteur, oublieux du dernier commandement de son Maître, finit par vendre celle qu’il devait protéger à ceux suffisamment riches et puissants pour l’acheter. Peu importe en vérité que je n’y gagnai rien en échange.

    Car jusqu’à la fin, je ne rendis pas compte à Arwaelyn des objectifs poursuivis par ses protecteurs, ni le danger qui pesait sur sa liberté.

    Même lorsqu’Arwaelyn me commanda d’aller dans le Nord chercher quelle avait pu être la fin de son Promis, auquel elle était liée par la parole de son défunt Père, jusqu’au jour même où je partis pour Menethil, je ne lui révélai rien. Je savais pourtant bien que mes nouveaux maîtres n’attendraient pas mon retour pour mettre leur plan à exécution. Mais je préférai partir sans rien dire, comme un voleur.


    ***

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    Confessions d'un Homme du Nord. Galvan. Empty Re: Confessions d'un Homme du Nord. Galvan.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Dim 7 Aoû 2011 - 0:19

    Je quittai donc ces terres, encore indécis par le chemin qu’il me fallait prendre, lorsque je fis une rencontre qui me parut sur le moment salvatrice au milieu de cet enfer. Je tombai d’épuisement à présent, mes pieds trainant sur le sol à chaque pas lorsque j’entendis le bruit des fourrés déplacés avec habileté, comme si un chasseur se mouvait dans les champs autour de moi.

    Ce n’étaient pas les manières des morts du Fléau aussi je lançai d’une voix rendue rauque la peur un « qui va là ? » en brandissant la pioche que j’avais gardé.

    Un homme se releva dans les champs, puis deux autres. Ils portaient une chemise d’un vague blanc sur laquelle était grossièrement peint un signe rouge. Ils semblaient farouches et l’un d’eux me visait avec un arc de chasseur.

    Le premier me demanda d’une vois tendue : « Qui es-tu, vieillard, pour oser traverser les terres du Mal sans compagnie ? Un sorcier nécromant, un ami des démons sans nul doute ? »

    Il avait tiré son épée en s’avançant vers moi, comme décidé à me la passer à travers le corps. Et nul doute que mes bégaiements effrayés ne m’eussent pas sauvé la vie si celui qui tenait l’arc n’avait baissé subitement son arme et ne m’avait à son tour adressé la parole :

    _ « Maître Galvan ? Est-il possible que ce soit vous ? »

    Le premier homme se tourna vers l’archer et lui demanda, surpris : « tu connais ce sorcier, Nethen ? Comment cela se fait ? »

    Nethen, je me souvins en un instant d’un garçon de ferme que j’avais connu avant d’entrer au service de mon Maître. Lui aussi venait des terres du domaine de l’Est. Il avait peu ou prou mon âge lorsque je m’étais fait prendre à braconner. Je l’avais fort peu revu depuis ce jour, mais il ne me semblait pas avoir rencontré de plus cher ami depuis des années.

    _ « Nethen, oui, c’est moi, Galvan ! Les malheurs et la souffrance me donnent piètre allure, mais c’est toujours moi. Je cherche un refuge car je suis las d’errer sur ces terres… »

    Nethen réussit à dissiper un peu la suspicion des autres hommes. Je compris qu’ils venaient d’un campement plus à l’Est et qu’ils avaient des relations avec La Main de Tyr, qui n’était point tombé aux mains du Fléau.

    _ « Pas encore… » dit d’un air sombre celui qui m’avait pris tantôt pour un sorcier ou un ami des Démons.

    _ « Tais-toi donc, Harvan, ces terres ont des oreilles et tu ne dois pas prononcer des paroles sacrilèges sous peine d’attirer les maudits ou le malheur » le reprit avec crainte Nethen.

    En quelques instants j’en appris long sur leur compagnie. Ils se faisaient appeler les Combattants Écarlates, en référence à la couleur de leur insigne. De puissants Seigneurs et des Nobles de Lordaeron avaient réunis les survivants des régions avoisinantes et les avait recueillis à La Main de Tyr, qui était en ces lieux la plus puissante place du Nord, du moins le prétendaient-ils.

    Je vis qu’ils vivaient dans la crainte et les superstitions propres à leur condition. La peur les emprisonnait et chacun vivait dans la suspicion des autres.

    Je compris que je devais me montrer prudent lorsque je leur fis le récit de mon périple. Je leur tus mon passage dans le Sud car ils semblaient détester les gens qui avaient fui le Nord pour trouver refuge au Sud. Des déserteurs, ainsi les appelaient-ils… qu’avaient-ils déserté, ces enfants, ces vieillards et ces femmes ? Quelle armée avaient-ils abandonné ? Quel royaume quand le nouveau Roi avait lui-même voué son peuple au Mal et tué son propre père pour lui succéder ? Même Nethen, que j’avais connu insouciant pour avoir partagé quelques courses dans les bois à ses côtés me semblait obnubilé par les raisonnements que prêchaient leurs nouveaux Seigneurs.

    Mais les trois hommes me firent taire car il était temps de rentrer à leur campement. La nuit tombait très vite sous les nuées pesteuses. Seules les bénédictions et les prières les protégeaient du Mal et ils devaient rentrer au plus tôt pour me présenter à un officier, qui déciderait que faire de moi.

    Je m’alarmai de leurs explications, pourtant j’avais besoin de me reposer dans la sécurité même relative d’un camp d’hommes d’armes.

    Il s’avéra que le campement en question était fort modeste, mais suffisamment gardé pour me faire éprouver un semblant de sécurité. L’officier se révéla être un homme au raisonnement sûr et plein de bon sens. Après m’avoir jaugé et m’avoir fait examiner pur la forme par ce qui semblait être un prêtre, qui hocha la tête avec indifférence, il décréta que je ne pouvais être un ami des Démons mais bien plutôt un pauvre hère qui avait eu beaucoup de chance de les rencontrer. Il me permit de dormir avec eux et le lendemain me fit partir avec un de ses hommes qui devait porter une missive à La Main de Tyr. Il me dit sans sourire de garder ma pioche, car j’en aurais sans doute l’usage là-bas.

    La Main de Tyr était fortement gardée. Ici et là, je notai des changements. Les murs étaient en train d’être relevés, des travaux de fortification hâtifs mais solides étaient en cours. Les paysans qui avaient trouvé refuge dans les murs de la Cité travaillaient sans relâche sous les prêches de prêtres et de sergents.

    Partout des gens en armes s’exerçaient au maniement de l’arc et de l’épée. J’étais entré dans une caserne et un camp de travail à la fois. Le bétail était autant sous la garde de soldats que des fermiers.

    Le soldat me confia à un homme robuste mais à qui il manquait une jambe, emportée par une goule selon lui. Il se soutenait par deux béquilles et s’esclaffa de me voir arriver avec une pioche déjà en main. Depuis son infirmité il avait en charge l’affectation des oisifs aux travaux communs. Sans vraiment me laisser le choix, il m’affecta aux travaux du port à l’Est, que l’on agrandissait pour sauvegarder de la colère des flots des navires de guerre, encore mouillés au large faute d’espace suffisant sur les quais. Les « oisifs » y étaient affectés en priorité.

    Encore exténué par mon périple, je dus aider à des travaux de creusement et de déchargement de sable et de cailloux ; ces matériaux seraient eux-mêmes utilisés pour élever encore les murs de la Cité.

    Je mangeai le soir ce qui me sembla le meilleur gruau du monde et bus de l’eau claire, aux lumières des braséros. Les conversations qui se faisaient à voix basse, bien que les Morts fussent tenus en respect par les hautes murailles de la Cité à l’Ouest, me rappelaient ma vie dans le Nord. Le courage de ces hommes qui n’avaient pas fui leur pays m’impressionnait.

    Bien que je n’oubliai pas le véritable but de mon périple dans le Nord, je résolu de rester en ces lieux le temps de reprendre des forces avant de repartir vers Quel’Thalas. J’allai rester bien plus longtemps en vérité que je ne le prévoyais d’abord et je ne sus pas les tourments qu’allait endurer la jeune Arwaelyn loin dans le Sud.


    ***


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