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    Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Rälkezad de Glace-Sang
    Rälkezad de Glace-Sang
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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:24

    Arwaelyn tremblait, allongée sur le pont du petit voilier que pilotait Galvan, le serviteur de son père. Ses jambes ne la portaient plus depuis qu’elle avait entendu de la lisière des bois les hurlements des hommes que commandait son père. A ce souvenir, les larmes aveuglèrent de nouveau la jeune fille.


    Galvan jeta un nouveau regard vers la jeune maîtresse. Son état l’inquiétait ; il avait du la porter des quais jusqu’au voilier. Ses forces et sa volonté de vivre semblaient l’avoir abandonné et seuls ses tremblements indiquaient qu’elle ressentait encore quelque émotion.

    État de choc. Ses propres mains tremblaient également sur le gouvernail. Le sang lui dégouttait des doigts. Celui de deux servantes qu’il avait du poignarder pour les refouler hors du voilier, trop petit pour les contenir elles aussi.

    Galvan se ressaisit. Son Maître avait mis le sort de sa fille entre ses mains. Mais où aller ? Son embarcation était trop frêle pour supporter un voyage en haute mer et toute la région serait tombée sous peu aux mains du Fléau.

    Il fallait fuir, mais vers quelle direction ? Le Nord de Quel’Thalas ? Des poches de résistance devaient encore exister, mais qui se soucierait de deux humains réfugiés et incapables de guerroyer à la façon des forestiers ? Au Sud ? De nombreuses lieues les séparaient d’un refuge sûr. Leur voilier ne tiendrait pas, la Mer les prendrait, victimes anonymes des éléments indifférents.

    Il se rapprochait insensiblement des terres de leur voisin, dont le manoir en flammes éclairait comme une chandelle les côtes de Brise-d’Azur. C’est alors qu’il la vit. Cette petite fille hanterait longtemps ses cauchemars…

    Elle se tenait en haut de la falaise, sa robe colorée battue par les vents. Une tragédie se déroulait devant ses yeux. Un elfe, un serviteur sans doute, tenant une épée dans son poing, la petite elfe agrippée à ses vêtements derrière lui. L’adulte chargea les deux goules qui les avaient acculés. Il n’était pas complètement à terre que les monstres le dévoraient déjà, détachant sa tête de son tronc sous les hurlements de la gamine, qui reculait désespérément près du vide.

    Les goules se retournant vers elle… Galvan, hypnotisé par cette scène, incapable d’articuler un cri, une lamentation sourde. La gamine qui se jette du haut de la falaise sur les récifs en bas.

    Arwaelyn qui crie en tendant la main vers la côte, qui crie aussi longtemps que dure la chute de la fillette. Et Galvan qui tourne le gouvernail pour mettre le plus de distance entre leur voilier et la côte. Entre eux et ce pays maudit.

    Combien de temps a duré leur dérive, dans des eaux trop tumultueuses pour que leur embarcation pût seulement être dirigée ? Mais la nuit n’était pas encore tombée quand ils virent qu’un vaisseau de guerre de Lune d’Argent croisait dans leur direction. Certainement un simple hasard. Bienvenu malgré tout.

    Une corde jetée par un marin elfe, que Galvan saisit avec désespoir. Il saisit Arwaelyn par la taille en tenant d’une main la corde. Arwaelyn qui ne répond toujours pas, le regard fixe. Les marins hissent les deux rescapés humains. Le navire est bondé de réfugiés, pour la plupart elfes. Ils sont hagards. Ils viennent de l’enfer de Lune d’Argent, d’où tout le monde n’a pas réussi à s’enfuir.

    De nombreux nobles et leurs serviteurs. Des soldats. L’équipage. Galvan arrive à hauteur du pont et s’accroche à la rambarde. Il pose sa main sur une encoche faite à la hache ou à l’épée. À l’intérieur de l’encoche, du sang. Tout le long du pont, de semblables encoches. Galvan ferme les yeux. Il ne veut pas savoir qui a tenté désespérément de prendre à l’abordage le navire et les raisons qui ont poussé ceux qui y étaient déjà de couper les mains.

    Arwaelyn garde les yeux fixés sur les encoches jusqu’à ce qu’elle mette les pieds sur le pont. Galvan la soutient et regarde les gens qui les entourent. Ils ont vécu l’enfer et certains ne sont déjà plus ce qu’ils paraissent être. Les nobles ont eux aussi du sang sur leurs mains. Peut-être celui de leurs voisins, de leurs proches ou de leurs parents. Les serviteurs ont le regard fuyant. Les soldats ne se regardent pas entre eux. Les marins vont aux manœuvres comme des fantômes.

    « Nous sommes damnés. Ce bateau ne nous a pas secourus. Nous allons simplement partager la dernière destination de ces âmes en peine » pense un instant Galvan.

    Mais le capitaine s’approche d’eux. Il leur dit que le navire vient de Lune d’Argent et que d’autres vaisseaux ont aussi pu quitter la rade avec à leurs bords des survivants de l’assaut du Fléau. Lune d’Argent est tombée. Quel’Thalas est tombé. Les forestiers n’ont pas pu arrêter la progression de l’Ennemi.

    Il leur faut désormais aller au Sud, qui se lève enfin et prend tout entier les armes. Là-bas, à Menethil sans doute, ils déposeront les réfugiés, referont de l’eau et se porteront vers l’Amiral de l’Alliance afin de lui prêter allégeance. Ils reprendront alors le combat vers le Nord.

    « On dit que des combattants du Royaume de Lordaeron résistent encore, que des réfugiés s’attroupent aux frontières de Gilnéas, que les combats continueront aussi longtemps que le courage des hommes du Nord ne vacillera pas… »

    On permet à Arwaelyn de se coucher dans la cale, qui a été réaménagée en dortoir hôpital. Galvan s’assure qu’une guérisseuse débordée lui consacrera quelques instants et il visite le navire. Dans une cabine entrouverte, il aperçoit un reflet brillant.

    Il fait alors ce qu’il n’avait encore jamais fait : il entre dans la cabine et dérobe des bijoux jetés pèle- mêle dans un sac. Il met son larcin contre sa poitrine, sous son manteau, puis revient auprès d’Arwaelyn, toujours prostrée, adossée contre la paroi de la cale.


    ***

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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Re: Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:25

    Le navire atteint en quelques jours le port de Menethil. Certains réfugiés sont déjà fiévreux, des blessés ont succombé et ont été jetés à la mer durant le voyage. Tous sont dans un état de grande fatigue.

    A Menethil, d’autres réfugiés venus eux de Lordaeron, de Hautebrande et de Stromgarde s’agglutinent sur le port.

    Galvan note les signes d’une grande mobilisation ; on dit que l’Amiral de Kul Tiras viendra en personne superviser les mouvements de la Flotte de l’Alliance. Les rumeurs les plus folles courent sur ce qui se passe dans le Nord. On croie à peine que le Prince Arthas ait pu commettre le Double Crime, contre son Roi, contre son Père. Et livrer son peuple au Mal.

    On offre à boire du vin aux réfugiés pour qu’ils racontent les nouvelles du Nord. Mais sitôt les nouvelles connues, on se désintéresse d’eux. Lorsqu’un Noble demande à un soldat où ils pourront se reposer de leurs souffrances, le soldat lui réplique d’aller à une auberge, s’il en trouve qui ait encore un lit de libre et s’il a de quoi payer les tarifs exorbitants désormais en vigueur.

    Galvan n’en entend pas davantage qu’il prend la main d’Arwaelyn et la mène hors du port. Ils s’éloignent, Arwaelyn semble avoir repris ses esprits mais tout ici la désoriente. Les gens y sont si brusques avec eux, si froids… ils n’ont pourtant pas encore connu les horreurs de la guerre du Nord.

    Plus loin, Galvan trouve un propriétaire de bateau qui estime qu’une bague avec un brillant aussi beau vaut bien un détour par Hurlevent. Arwaelyn a entendu son serviteur imiter le patois du marin. Elle n’avait jamais entendu son serviteur mentir auparavant. Il a dit au marin qu’elle était la fille d’un aristocrate de Hurlevent qui l’attend avec inquiétude, elle qui revient d’un voyage chez des parents du Nord. Il a promis une riche récompense au marin, alors qu’elle sait qu’ils n’ont rien emporté lors de leur fuite de la Maison de Mer. Le voilier était si petit.

    Le voyage se déroule calmement, malgré ses cauchemars. En comparaison de son périple à bord du vaisseau des Hauts Elfes, celui-ci la rassure. Galvan n’arrête pas de lui dire que le Roi des gens du Sud est un bon Roi, qu’il ne permettra pas que soient abandonnés à la misère les nobles du Nord qui ont pu fuir la guerre et les morts.

    Arwaelyn finit pas le croire. En effet, comment un bon roi pourrait-il ne pas arranger les choses ? Si seulement son Père était avec elle. Si seulement il n’avait pas été un soldat. Elle pleure encore beaucoup. Mais Galvan lui dit que pleurer est une bonne chose, que son Père ne lui en voudrait pas de pleurer, que cela valait mieux que de rester le regard fixe comme cela lui arrive encore si souvent dans la journée et la nuit.

    Galvan a continué à mentir aux marins. Il a dit qu’elle avait perdu sa famille là-bas, mais que son Père l’attendait à Hurlevent, lui, et qu’il était très riche. Arwaelyn ne sait pas si les marins le croient encore comme au début, car elle les a entendus murmurer lorsqu’ils pensaient que Galvan était suffisamment loin d’eux. Particulièrement deux des marins, qui la regardent avec de mauvais yeux.

    Elle en a parlé à Galvan, qui s’est mordu la lèvre, comme s’il s’en voulait d’avoir été inattentif. Il porte de nouveau ce qu’il appelle sa lame de botte, avec laquelle il a… fait des choses à des servantes sur les quais. Le sang giclait sur ses mains, il criait comme un fou, la tirait par le bras, la trainait vers le petit voilier, elle qui ne voulait plus bouger. Elle voulait simplement que tout s’arrête.


    Mais ils sont arrivés en vue de la Cité de Hurlevent. Galvan a griffonné des mots sur un papier qu’il a donné au propriétaire du bateau, lui a parlé avec hauteur et s’est hâté de quitter le navire.

    Sitôt hors de vue du marin, il a pris de nouveau son bras et ils ont couru dans les rues tortueuses de la grande cité. Quand il a estimé qu’ils étaient suffisamment loin du port, il s’est mis en quête d’une auberge. Il a payé plusieurs jours de pension pour eux deux avec un autre brillant, qu’il a tiré d’une pochette qu’il porte à sa poitrine. L’aubergiste a étréci ses yeux, essuyé le brillant avec ses gros doigts et les a fait monter dans une chambre propre. Galvan lui a demandé de faire venir un tailleur pour habiller convenablement sa maîtresse, qui était noble et sous la protection d’un aristocrate de la Cour de Hurlevent.

    L’aubergiste a opiné obséquieusement du chef, mais Arwaelyn a senti qu’il n’en croyait rien. Seuls les brillants de Galvan l’intéressent. Elle le sent, comme les marins mentaient à Galvan. Elle n’a pas le temps de le dire à Galvan, qui lui a demandé de rester ici pendant qu’il irait demander audience auprès du Roi de Hurlevent. Les Wrynn vont soutenir la noblesse du Nord, c’est ce qu’il répète constamment, comme une formule magique. Mais Arwaelyn sait que Galvan n’est pas un magicien. Il n’a pas de bâton, et c’est un serviteur.


    ***

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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Re: Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:25

    Galvan s’est dirigé vers le Palais royal. On lui a refusé l’entrée en lui indiquant que les audiences royales pour le peuple étaient achevées et qu’elles se tiendraient encore le lendemain matin.

    Il a essayé de faire comprendre aux gardes qu’il venait au nom d’une personne de noble ascendance. Il n’a reçu que des quolibets de la part de la soldatesque.

    Il s’est alors regardé, vraiment regardé pour la première fois depuis la fuite de la Maison de Mer. Il a maigri. Il est sale. Ses vêtements sont déchirés, tachés par endroit de sombre et de brun, il sent le sel, le sang et la mort.

    Il ne reconnait pas le serviteur de son Maître, qui imposait le respect à tous les gens du Domaine. Il doit paraître plus respectable mais surtout, il doit trouver un protecteur, qui lui ouvrira le cabinet d’un ministre. Il va devoir intéresser des intermédiaires, des courtisans habiles. Il sait comment ces choses-là se passent. Il a entendu son Maître en parler avec des Hauts Elfes dans le temps où les affaires marchaient bien. Avant la guerre, avant ce qui lui paraît désormais une éternité.

    Cela va coûter cher.

    Heureusement, Hurlevent regorge de prêteurs sur gage et autres marchands qui en réalité rachètent toutes sortes de choses. Une bonne partie de son larcin disparaît entre les mains rapides d’un homme aux manières brusques. Mais il a désormais de l’or local, qui achètera le retour à meilleure fortune de sa Maîtresse, et la sienne par la même occasion.

    A son retour, il paye le tailleur qui a rendu à sa Maîtresse l’apparence de la noblesse. Du moins à ce qu’il lui semble, si l’on ne regarde pas de trop près. La jeune femme est lavée, parfumée, habillée de dentelles à la mode du Sud.

    Il est prêt à lui faire rencontrer un homme dont il a entendu parler par le marchand qui lui a racheté ses bijoux. Il se regarde lui aussi, il a meilleure mine.

    En sortant de l’auberge, il ne remarque pas que l’un des marins qui les a amenés jusqu’à Hurlevent le suit nonchalamment.

    Dans les ruelles étroites, il voit d’autres réfugiés comme eux, mais toujours dans leurs habits déchirés et ensanglantés. Ils ont le regard fermé de ceux qui commencent une lente descente aux enfers. L’un d’eux, un humain de Lordaeron vraisemblablement, les prend pour des seigneurs du Sud et leur demande à mi-voix une pièce pour manger ce soir. Arwaelyn hésite mais Galvan lui prend le bras et la fait passer devant lui.

    Deux ruelles plus loin, sans qu’ils s’en soient rendu compte, ils sont seuls. Les mendiants ont disparu. Galvan a à peine le temps de se retourner que l’autre bout de la ruelle est bloqué par un homme à l’air peu engageant. Un autre vient de l’autre côté. Galvan se baisse et tire sa lame de botte. Il la tient comme quelqu’un qui s’en est déjà servi pour faire autre chose que couper du fromage. Cela fait hésiter les deux hommes, mais pas longtemps. Ils tirent de longs couteaux eux aussi et sont rejoints par le marin que reconnaît Galvan.

    L’affaire aurait pu mal tourner, mais un sifflement retentit et les mauvais hommes, après avoir hésité une seconde disparaissent. La Garde, marchant au pas, passe sur la rue voisine. Galvan tire Arwaelyn par le bras et quitte au plus vite le quartier.

    Ils arrivent sur une place avec des arbres. Des Dames en toilettes aux couleurs délicates et en dentelle marchent, la main sur celle d’hommes tout aussi bien tenus.

    Galvan demande à Arwaelyn de s’assoir sur un banc et de l’attendre sans s’éloigner.


    ***

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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Re: Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:25

    Longtemps se passe avant qu’il ne revienne. Arwaelyn a le temps d’observer les gens autour d’elle. Ils lui font penser aux gens qu’elle rencontrait lorsqu’elle était page chez la Dame que connaissait son Père. Une princesse elfe.

    Galvan la protège, mais elle se sent de suite plus à l’aise en ce lieu, elle sait les usages de ces gens. Elle sait même reconnaître les rangs, les façons qu’il faut avoir. Certains de ces nobles font même des erreurs qu’elle relève en s’en amusant.

    Galvan a beaucoup voyagé avec son Père. Père le préférait à d’autres serviteurs parce qu’il n’avait pas les manières des « chiens de Cour » et savait sangler un harnais de voyage comme nul autre. Mais ici, Galvan n’est pas à son aise, il se comporterait mal, Arwaelyn le sait.

    Elle reçoit le salut d’un noble, de belle allure, qui s’étonne de la voir sans Dame de compagnie ou sans protecteur. Elle lui rend le salut à la manière du Nord, avec distance pour lui montrer que son rang n’est pas aussi élevé que le sien. Ce qui est vrai d’ailleurs, elle le voit à certains signes.

    Douché, le jeune homme s’éloigne avec raideur. Arwaelyn a immédiatement conscience que de nombreuses personnes viennent de la remarquer ; dans un seul mouvement, elle aperçoit ceux qui la regardent par derrière leur ombrelle ou leur voile.

    Mais Galvan revient avec un homme aux allures hautaines mais sans classe. Un serviteur, mais de personnes si puissantes qu’il en a adopté un ton supérieur. Un régisseur ou un agent de Cour. Des gens que n’aurait pas aimés Père.

    Galvan a des manières gauches avec lui ; il fait comme s’il n’avait pas le choix et devait traiter avec lui avant de traiter avec ses maîtres. Mais Arwaelyn sait qu’il ne traitera pas longtemps avec cet homme si elle ne prouve pas de suite qu’elle n’est pas une femme de chambre déguisée en princesse.

    L’homme la salue grossièrement. Un test. Elle l’ignore, au désespoir de Galvan qui s’apprête à tout gâcher. Elle rudoie alors Galvan pour la première fois de sa vie et lui ordonne de se taire. Galvan ouvre la bouche mais aucun son ne sort.

    L’homme, un instant suffisant, se ravise et la salue correctement cette fois, bien que ses manières laissent à désirer. Mais Arwaelyn met cela sur le compte de la grossièreté du Sud, et ses intonations le lui laissent percevoir. L’homme lui demande le nom de son père, presque avec douceur cette fois. Elle le lui donne, non sans laisser échapper involontairement un tremblement dans sa voix.

    Galvan n’en revient pas, mais quelques minutes plus tard, l’homme lui tend une bourse et lui indique une auberge convenable, dans le quartier.

    Dans la chambre de l’auberge, Galvan laisse exprimer sa joie. Ce retournement de fortune lui redonne de l’espoir. Il continue de parler comme si leurs ennuis allaient bientôt cesser. L’homme qu’ils ont rencontré est le serviteur de gens puissants, qui leur ouvriront les portes de la Cour. Le Roi lui-même tendrait une main charitable vers eux et il redeviendrait le serviteur d’une famille reconnue et prospère.

    Même la guerre ne lui paraît si mal engagée à présent. Il fait des plans, il s’écoute parler. Arwaelyn a envie de pleurer, mais ne sait pas encore trop pourquoi. Elle a déjà quatorze ans et pourtant, elle a l’impression d’avoir perdu trop tôt quelque chose.


    ***

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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Re: Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:26

    Les jours suivants, l’homme qu’ils ont rencontré revient à l’auberge. Il paie leur pension auprès de l’aubergiste, qui le traite comme un homme important.

    Il parle un peu avec Arwaelyn, puis s’en va avec Galvan s’entretenir de détails concernant l’audience qu’ils préparent auprès d’un Ministre. Ils parlent de la Cour, des réfugiés du Nord, des rumeurs de la guerre, qui ne sont pas bonnes.

    Puis un jour, un vent de tempête semble s’abattre sur la Cité. Partout on ne parle que de la Légion Ardente, de Démons Majeurs et de fin du Monde. Les gens continuent cependant de vivre leurs petites vies habituelles, comme si ces nouvelles n’avaient pas encore de significations pour eux.

    Arwaelyn et Galvan cessent de recevoir la visite de l’homme pendant quelques jours, mais il reparaît au moment où l’aubergiste donne des signes d’impatience à leur égard.

    Galvan revient un jour de l’une de ses promenades avec cet homme et lui indique qu’ils logeront maintenant dans une vraie maison, que leurs protecteurs mettent à leur disposition. Des tailleurs s’occuperont d’elle, changeront ses robes ; elle ira sur les promenades parfois.

    Arwaelyn demande quand l’audience auprès du Ministre se tiendra et Galvan, après s’être troublé, lui dit que ses protecteurs s’occupent de ces détails à présent, que la situation est plus complexe qu’il ne se l’était figurée d’abord, mais que leurs difficultés sont finies.

    Arwaelyn s’alarme intérieurement, car jamais Galvan ne lui avait menti jusqu’à ce jour. Cependant, ainsi qu’il le lui avait dit, ils emménagent dans une gentille maison du quartier, elle a une femme de chambre et elle a Galvan, naturellement. Galvan qui lui cache quelque chose mais qui la sert comme si elle était la dernière personne qui le rattachait à la vie. Jamais il n’a été si prévenant et si serviable.

    Des rumeurs courent, qu’elle surprend lorsqu’elle va aux promenades. Des Seigneurs du Nord ont formé un Parti suite à la disparition de certains des leurs.

    Des intrigues à demi évoquées lui parviennent, qui lui font parfois sentir qu’elle est protégée, elle, quand d’autres ne le sont pas.

    A la Cour, on parle de la question de la légitimité des titres et des revendications des réfugiés, dont certains ont tout perdu à la guerre.

    Des Dames la saluent parfois, elle leur rend leur salut avec distinction, ainsi qu’elle l’a appris. Sa servante écarte les importuns et les curieux qui s’étonnent de la voir sans compagnie noble. Arwaelyn se doute que c’est cette curiosité qu’elle suscite qui fait qu’elle sort rarement.


    Un jour, Galvan vient avec elle lors de l’une de ses promenades. Il l’accompagne en faisant des remarques maladroites sur sa toilette, la coiffure des Dames du Sud. Arwaelyn l’observe à la dérobée, cherchant à connaître la raison de sa compagnie lors d’une activité qu’il ne goûte guère d’habitude.

    Sur le banc, elle regarde comme à l’accoutumée les promeneurs. Passe tout un équipage de serviteurs, tous parés avec magnificence. Leurs maîtres reçoivent de nombreux saluts, qu’ils rendent selon leur rang, mais avec une hauteur qui amuse Arwaelyn. Elle a l’impression d’assister à un défilé. Cela en est d’ailleurs un. C’est comme un signal que reconnaît Galvan, car il se tourne vers elle et lui dit d’un air qu’il veut naïf mais qui est préparé : « que voilà de fiers Seigneurs ! »

    Arwaelyn s’étonne : « Eh quoi ? Allons Galvan, ils paradent comme des coqs, ils inspirent le dédain. Père les aurait détestés. Les maîtres comme les serviteurs. »

    A la réflexion, elle se souviendrait longtemps de l’air peiné de Galvan, qui se mordit les lèvres, le regard lointain.

    « Pardonnez-moi Galvan, je sais que Père vous manque aussi cruellement. Nous faisons parfois comme si nous n’avions pas vécu les tourments des personnes du Nord, mais la peine est toujours sous la surface. »

    Mais Galvan s’était récrié : « Vous n’avez pas à vous excuser, Arwaelyn ! Je ne suis que votre serviteur, pardonnez ma sottise et mon oubli ! »

    Elle avait été surprise par l’attitude de Galvan, mais il ne reparla plus d’aller en promenade avec elle par la suite. Et elle ne reparla plus de Père.

    Du moins jusqu’au jour où l’homme qui représentait leurs protecteurs reparut. Galvan s’entretint avec lui dans la rue et peu de temps après l’homme était reparti sans monter la saluer. Mais Galvan avait l’air embarrassé lorsqu’il remonta dans leur appartement. Il semblait tourner et retourner des phrases dans sa tête. Arwaelyn le connaissait si bien à présent. Elle pouvait presque lire ses états d’âme dans son cœur comme un livre ouvert. Il luttait contre des aspirations contraires.

    Puis il parla enfin : « Ma Dame, Arwaelyn, vos bienfaiteurs ne sont-ils pas aimables de vous avoir secouru quand d’autres ne l’étaient pas ? Ne méritent-ils pas notre reconnaissance ?

    _ Bien sûr qu’ils méritent notre reconnaissance ! Dès que la guerre sera finie, nous les récompenserons en leur versant une partie significative de nos revenus. Des cœurs si purs, si désintéressés ne sauraient manquer d’être récompensés. Leur délicatesse et leur modestie les a même dissuadés de se faire connaître de moi, qui suis pourtant leur obligée.

    _ Vous ne comprenez pas, Arwaelyn… ils n’ont jamais eu en tête ce genre de récompense

    _ Naturellement, comme il convient à des âmes pures

    _ Non, Ma Dame ! Ce n’est pas l’or qu’ils veulent, ils en ont déjà bien assez avec leurs biens dans le Sud. Ce qu’ils projettent, c’est d’unir leur lignée avec la vôtre. »

    Sous le choc, Arwaelyn ne comprit pas les paroles de son serviteur.

    _ « Unir leur lignée avec la notre ? Mais, Galvan, notre lignée est déjà presque éteinte, avec qui… ? Oh !

    _ Vous comprenez à présent ? Rien n’est gratuit, Arwaelyn ! Votre sécurité, votre confort, tout cela vous aurait été refusé si

    _ Si quoi ? Si nos bienfaiteurs n’avaient songé à me faire épouser un de leurs fils ? Galvan, je ne suis peut-être pas au fait des usages du Sud mais je n’ai pas encore quinze ans

    _ Je le sais, Maîtresse, mais ils peuvent attendre, du moment que vous accepteriez de signer un contrat de fiançailles, un acte qui vous engagerait

    _ Mais, Galvan, vous savez bien que c’est impossible, Père a du vous le dire à vous entre tous… Je suis déjà promise à un mien parent, qui vit dans les terres orientales. Je l’ai même rencontré, Dieux, un soir à la Maison de Mer, Père m’avait fait rentrer de chez ma Dame

    _ Mais… maîtresse… il est sans nul doute mort à l’heure actuelle, et c’est le mieux qu’on puisse lui souhaiter… »

    Arwaelyn eut l’impression d’avoir été giflée. Elle pâlit, sa voix tremblait quand elle reprit la parole : « Galvan, avant de sortir de cet appartement, vous allez m’écouter attentivement. Père m’a parlé avant de mener ses hommes à un combat dont il savait qu’il ne reviendrait pas. Avant d’aller mourir, il ne m’a fait jurer qu’une chose : de respecter l’engagement qu’il avait pris pour moi envers mon parent, sur les terres orientales. Je mourrai plutôt que d’épouser un autre que celui à qui je suis promise, celui que j’ai rencontré au domaine de Père. Maintenant, allez, vous m’indisposez. »

    Consterné, Galvan sortit sans un mot, sans doute retrouver l’homme de ses protecteurs, Arwaelyn n’en avait cure et versa de nouvelles larmes en souvenir des morts et du Nord.

    « Par delà les Terres des Hommes de Paix… Père, entendez ma prière… » murmura-t-elle.


    ***


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    Les peines du Nord. Arwaelyn. Empty Re: Les peines du Nord. Arwaelyn.

    Message par Rälkezad de Glace-Sang Mer 21 Sep 2011 - 11:26

    Lorsque Galvan reparut à la maison, Arwaelyn le fit mander par sa servante.

    C’est avec des manières incertaines qu’il se présenta à elle.

    Arwaelyn lui parla comme une maîtresse parle à son plus fidèle serviteur : « Galvan, tu m’as sauvé lorsque le Fléau a détruit nos biens à la Maison de Mer. Tu t’es battu pour me mettre en sécurité, ainsi que mon Père te l’avait ordonné. Tu as toujours servi ma famille avec loyauté. »

    Galvan s’agenouilla devant elle en murmurant : « Maîtresse… ».

    Arwaelyn reprit : « Je vais te confier une mission. Toi seul peux me sauver encore une fois. Je veux que tu ailles dans le Nord, Galvan. Tu le dois pour mon salut. Tu iras dans les terres orientales en quête de mon Promis… ne m’interromps pas Galvan ! Tu iras dans les domaines de l’Est, quelque en soit le prix. Là-bas, tu chercheras ce qu’il est advenu de mon Promis. S’il s’avère qu’il est mort… s’il s’avère qu’il… - Arwaelyn raffermit sa voix - … n’est plus des nôtres, alors je consentirai à unir ma lignée à celle de nos protecteurs. Mais dans le cas où il vivrait encore et où il voudrait encore de moi, qui ai tout perdu et me retrouve sans dot ni avantage, je t’ordonne de le servir et de le mener à moi par tous les moyens qu’il te sera possible d’utiliser. J’ai dit. Va à présent. »

    Arwaelyn se retourna et Galvan, en prenant congé d’elle ne vit pas ce qu’il lui en avait coûté. A présent, elle serait vraiment seule et abandonnée de tous. Que les Dieux lui viennent en aide ! Elle pressentait qu’elle aurait sous peu besoin de leur protection, qui serait sans doute plus lointaine mais plus désintéressée que celle des Seigneurs du Sud.



    [Fin du premier tome ; le deuxième s'entendra plus de politique et de voyages.]

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