(Une petite histoire sans doute inspirée par une certaine nostalgie de WoW.Et de mon chevalier de la mort aux convictions patriotiques.)
L'élite de l'Alliance
Le paysage était indistinct, rempli d'ombres voire tout simplement flou à certains endroits.Le ciel lui-même aurait paru irréel au chevalier de la mort s'il avait pris la peine de lever la tête.
Mais le Caporal Sackard, plus souvent appelé par son surnom de "Kessoth le bleu", n'avait pas pour habitude de faire attention à des détails aussi peu importants.
Et encore moins lorsqu'il comparaissait devant un tribunal militaire.
-Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici, caporal, dit le Lieutenant Fritz après un silence bref mais pesant.
Son visage n'était pas flou, pas plus que celui des trois autres officiers installés à la tribune.Kessoth aurait préféré qu'ils le soient.
-Non monsieur, répondit simplement Kessoth en baissant les yeux.
Le sourire de Fritz s'effaça et il ouvrit la bouche mais l'homme à sa droite le prit de vitesse.
-Alors permettez-moi de vous éclairer, dit le Capitaine Bosch.Vous avez sans doute remarqué, depuis le temps que vous êtes l'un des nôtres, que vous êtes le seul membre de votre compagnie à...présenter certaines caractéristiques que l'on pourrait qualifier d'originales, voire d'incongrues...
Kessoth ne se sentit pas plus éclairé, ce que ses juges parurent remarquer.
-Mon cher collègue veut dire que vous êtes le seul mort-vivant de toute la VIIème Légion, clarifia le Capitaine Maller.
Il était en effet réputé pour son franc-parler.
-Cela nous pose un certain nombre de problèmes, comme vous vous en doutez peut-être, poursuivit le capitaine.Comme le taux de confiance qu'on peut vous accorder, par exemple.Qui nous dit que vous n'allez pas nous trahir au profit des Réprouvés ? Ils sont de la même race que vous après tout.
Kessoth en resta petrifié de stupeur.Mais même s'il avait eu une brillante réplique en tête, le capitaine Bosch intervint trop vite pour lui laisser le temps de dire quoi que ce soit.
-Bien entendu nous avons toujours laissé le bénéfice du doute à nos hommes, quels que soient les soupçons pesant sur eux.Mais voilà...les nouvelles directives en provenance d'Hurlevent sont très claires.Nous devons faire le ménage dans nos rangs et respecter des quotas de renvoyés.
Kessoth tenta d'émettre quelques sons mais ceux-ci lui restèrent en travers de la gorge.
-Sérieusement, dit le lieutenant Fritz, vous vous êtes bien regardé ?Vous êtes un zombie mon vieux, et pas très frais en plus.Sans votre tabard et votre armure, il y a belle lurette qu'un de vos propres camarades vous aurait tranché la gorge en vous prenant pour l'ennemi.Et puis franchement...un mort-vivant dans la VIIème Légion...ça ne fait pas très sérieux.Nous sommes censés être l'élite de l'Alliance, pas un ramassis de cadavres en décomposition !
Ca ne fait pas très sérieux ?! Kessoth, qui n'avait sans doute jamais plaisanté de toute sa vie, n'en aurait pas cru son oreille si la phrase n'avait pas généré des échos infinis dans son esprit.
-Nous ne sommes cependant pas des ingrats, poursuivit le Capitaine Bosch, qui essayait apparemment d'atténuer le choc tout en niant la réalité.Un soldat dont la carrière militaire est aussi longue et...ahem...riche que la vôtre ne part pas de l'armée sans certaines compensations.
Il finit sur un sourire complice que Kessoth ne lui rendit pas.Non seulement parce que le manque de chair sur son visage rendait cette opération difficile, mais surtout parce qu'il n'imaginait pas comment on pourrait "compenser" son renvoi de la Légion.L'armée, c'était toute sa vie.Et même plus.
-Une carrière militaire "riche" ?! s'exclama Fritz.C'est comme ça que vous appelez le fait d'avoir participé au massacre de Stratholme, d'avoir rejoint la Croisade écarlate pour finalement se faire zombifier par le Fléau ?
-Vous oubliez sa libération puis ses années de service parmi nous, fit Bosch avec un sourire crispé.
Kessoth tenta d'implorer le Commandant Harbinder du regard, mais celui-ci refusait de le regarder.Il resait assis à son fauteuil, le visage fermé.Il ne peut sans doute rien faire, pensa Kessoth.Il avait inconsciemment pris l'habitude d'excuser les défaillances de son supérieur.
-Quoi qu'il en soit, poursuivit le capitaine, votre départ est déja inscrit dans notre registre.Vous devrez avoir quitté les lieux d'ici demain soir, après avoir rendu le matériel militaire que vous prêtait le royaume pour la durée de votre engagement.
-Je...mon matériel, monsieur ? réussit à bafouiller Kessoth.
Le lieutenant Fritz lui expliqua avec un plaisir manifeste.
-Il veut dire votre armure, votre arme, tout ce qui vient de chez nous et qu'on vous a prêté en fait.Même vos rations.
-Je...mon casque aussi ? Je l'ai récupéré sur un cadavre, il ne vient pas de l'armurerie...
Il exhiba le heaume en question, qu'il tenait dans sa main gauche.Le Lieutenant Fritz lui accorda un bref coup d'oeil.
-Un heaume d'officier, hein ? Vous l'avez volé à qui ?
Kessoth ne répondit rien, paralysé par l'indignation.
-Le vol est un délit grave, mon vieux.Dans d'autres circonstances ça pourrait vous valoir un renvoi pur et simple.Mais dans votre cas...disons tout simplement qu'il est difficile à aggraver, haha.
-Mais, intervint rapidement Bosch, nous ne sommes pas des ingrats, comme nous vous l'avons déja dit.Vous pouvez garder votre casque, considérez cela comme un cadeau pour vos années de bons et loyaux services.Mais n'oubliez pas de rendre le reste.
-Vous devrez partir au plus tard demain soir, compléta le Capitaine Maller.
-Mais je...qu'est-ce que je vais faire après ? demanda Kessoth, qui ne parvenait toujours pas à y croire.
Mais il ferait ce qu'on lui demandait.Il avait toujours fait ce qu'on attendait de lui.
-Bah...fit Fritz.Un homme plein de ressources comme vous devrait réussir sa reconversion...
-J'ai entendu dire que Stromgarde cherchait des paysans, intervint Maller de manière inattendue.Vous pourriez toujours tenter votre chance là-bas.
-Un...un paysan ? bredouilla le caporal.
-Ca vous pose un problème ? dit Fritz.
-Allons, vous n'avez peut-être jamais connu ce mode vie, mais il n'a rien de difficile, tenta de le rassurer Bosch, citadin de toujours.Imaginez-vous sous un soleil radieux, entouré de verdure et de collègues de travail mélomanes...
Mélomanes ? pensa Kessoth.
-...avec pour seules tâches quotidiennes la moisson et la traite des vaches...
La traite des vaches ?!
-... ce sera une vie infiniment plus douce que celle que vous avez eu à supporter en tant que soldat.Une sorte de retraite paisible en somme.
Paisible ? Kessoth n'aurait jamais osé contredire un supérieur mais toute cette affaire semblait de plus en plus tenir du malentendu.Il avait eu à se rendre dans des fermes à plusieurs occasions et celles-ci n'avaient rien eu de paisible.Il se rappelait encore le mal qu'il avait avec les torches au début, mais il avait vite pris le coup de main.
Et il y avait bien sûr les régulières missions d'escorte du percepteur écarlate.Sans avoir à s'occuper du blabla ou de l'analyse de comptes,Kessoth n'avait d'ailleurs jamais appris à lire, il s'y ennuyait toujours.Les éternelles plaintes des ingrats qui refusaient de participer à l'effort de guerre, que ce soit en nourriture, en argent ou en membres de la famille, l'avaient toujours indigné et agacé.
Et on lui ordonnait maintenant de devenir un de ces civils qu'il méprisait tant...pas un civil utile, comme par exemple un forgeron ou un marin, mais un civil de la pire espèce, un paysan !Kessoth détestait les paysans, l'espèce de civil qu'on lui avait d'ailleurs le plus demandé de tuer.Il en avait massacré encore plus que de boulangers, une engeance pourtant complètement exterminée par les purges de la Croisade écarlate.
Le capitaine Bosch continuait de parler, mais Kessoth n'écoutait pas.Il regardait ses juges et bourreaux.Leurs visages, naguère si familiers,bien plus que le sien, lui semblaient maintenant complètement étrangers.Kessoth, gagné par une sorte de lucidité nettement supérieure à la sienne,était maintenant capable de leur percevoir un trait commun jusque-là complètement insoupçonné.
Un trait qui n'avait rien d'humain, du moins à ses yeux pourtant morts depuis des années.
C'étaient des fils.Chaque officier présent en avait un.Assez épais, il leur partait d'entre les omoplates pour rejoindre le ciel.Non, comprit Kessoth, pas le ciel, mais quelque chose d'autre, quelque chose de gigantesque qui flottait dans les airs.
Une main, s'aperçut-il.C'était une main.Le paysage jusqu'ici brumeux et indistinct s'éclaira soudain et il put distinguer tous les autres soldats de la région.Tous sans exception étaient reliés à cette main monstrueuse, obéissaient à sa sinistre volonté.
C'était de sa faute si l'Alliance essuyait tant de défaites ces dernières années, de sa faute si tant de braves soldats s'étaient sacrifiés en vain tandis que ces salauds de civils se goinfraient à l'arrière.Kessoth le sentait, il le sentait au plus profond de lui-même, pourtant sacrément profond.
Il ne s'aperçut de l'évidence qu'en sentant son dos tressaillir puis se raidir de manière inexpliquable.Lui aussi était relié à cette main.
Il tenta de hurler, de dégainer sa claymore et de trancher net ce maudit fil mais il ne pouvait tout à coup plus contrôler ses mouvements.Son corps, qui lui était pourtant resté fidèle après avoir dépassé la date limite, ne lui obéissait plus.
Il ne put que hurler en pensée :"NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNN...." et se résigner à son s...
-Kessoth ? Kessoth ? Qu'est-ce qui t'arrive mon vieux ? demanda une voix inquiète.Mais bon sang, arrête de te griffer le dos !
-Je...hein..?
Kessoth le bleu ouvrit les yeux.Il se trouvait à son poste habituel, sur le Mur.Il leva les yeux.Aucune main monstrueuse, ni aucun satané fil.
-Depuis le temps que je te connais, c'est la première fois que je te vois dormir, constata le sergent Trunsk.
C'était un vieux camarade, et l'un des rares à le traiter normalement.
-Ca ne te réussit pas on dirait.Je comprends pourquoi tu ne dors jamais maintenant !
Il rit comme s'il venait de plaisanter alors qu'il n'avait fait qu'énoncer une réalité.
-Je n'avais pas dormi depuis...depuis que j'ai changé,constata Kessoth.Qu'est-ce que ça veut bien vouloir dire ?
Trunsk haussa les épaules.
-Que t'avais bien besoin d'un petit somme ?
Kessoth réfléchit à la question.Se ramollisait-il ?Son rêve avait-il une signification sérieuse ?Peut-être devait-il quitter l'armée, comme dans le rêve ?
Mais non, c'était ridicule.L'armée était toute sa vie et ce rêve était stupide, comme tous les rêves l'étaient, tous ceux qu'il se souvenait avoir fait en tout cas.
Franchement ,toute cette histoire de main et de fils, comme si lui et les autres n'étaient que de vulgaires pantins au service d'une volonté invisible, malfaisante et toute-puissante...c'était n'importe quoi.Kessoth obéissait aux ordres, commme tout bon soldat.Il n' avait pas à s'interroger et à douter.Il faisait ce qu'il avait à faire, sans culpabilité ni honte.
Et faire son travail ne faisait pas de lui un pantin.Il s'en serait aperçu quand même.
-Ahhh, mais je réfléchis trop ! dit-il à voix haute pour se vider la tête.
Ces pensées corruptrices devaient cesser.Ce qui était toujours plus facile avec ses médicaments, qu'il s'empressa d'aller chercher dans son sac et d'avaler.
-Ca va, vieux ?demanda Trunsk d'un air inquiet.Tu avais déja pris double dose de ces trucs hier...tu vas finir par faire une overdose !
-Merci, sergent, tout va très bien.Je vais reprendre mon poste sur le champ.
Il se redressa et se tourna en direction du Nord, là d'ou venait l'ennemi.
Un regard par dessus la rambarde lui apprit cependant que l'offensive réprouvée tant attendue n'était pas pour cette nuit.
Le sergent vint se placer à côté de lui, une chope de bière remplie à la main.
-Tu crois vraiment qu'ils vont attaquer un jour ? demanda-t-il.
-Ils viendront, sergent, affirma Kessoth.C'est dans leur nature maléfique.
Trunsk émit un grognement sceptique puis avala sa bière, mais Kessoth n'y prêta pas attention.Les médicaments l'avaient aidé à comprendre la signification de son rêve.C'était la nature des Réprouvés que le rêve lui avait montré.De sinistres pantins maléfiques...ça ne pouvait être qu'eux.Le rêve s'était juste trompé en les remplaçant par des soldats humains de la VIIème Légion.Même les rêves pouvaient se tromper, de l'avis de Kessoth.
-Ils viendront, répéta Kessoth.Et ce jour-là...ils devront affronter l'élite de l'Alliance.
L'élite de l'Alliance
Le paysage était indistinct, rempli d'ombres voire tout simplement flou à certains endroits.Le ciel lui-même aurait paru irréel au chevalier de la mort s'il avait pris la peine de lever la tête.
Mais le Caporal Sackard, plus souvent appelé par son surnom de "Kessoth le bleu", n'avait pas pour habitude de faire attention à des détails aussi peu importants.
Et encore moins lorsqu'il comparaissait devant un tribunal militaire.
-Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici, caporal, dit le Lieutenant Fritz après un silence bref mais pesant.
Son visage n'était pas flou, pas plus que celui des trois autres officiers installés à la tribune.Kessoth aurait préféré qu'ils le soient.
-Non monsieur, répondit simplement Kessoth en baissant les yeux.
Le sourire de Fritz s'effaça et il ouvrit la bouche mais l'homme à sa droite le prit de vitesse.
-Alors permettez-moi de vous éclairer, dit le Capitaine Bosch.Vous avez sans doute remarqué, depuis le temps que vous êtes l'un des nôtres, que vous êtes le seul membre de votre compagnie à...présenter certaines caractéristiques que l'on pourrait qualifier d'originales, voire d'incongrues...
Kessoth ne se sentit pas plus éclairé, ce que ses juges parurent remarquer.
-Mon cher collègue veut dire que vous êtes le seul mort-vivant de toute la VIIème Légion, clarifia le Capitaine Maller.
Il était en effet réputé pour son franc-parler.
-Cela nous pose un certain nombre de problèmes, comme vous vous en doutez peut-être, poursuivit le capitaine.Comme le taux de confiance qu'on peut vous accorder, par exemple.Qui nous dit que vous n'allez pas nous trahir au profit des Réprouvés ? Ils sont de la même race que vous après tout.
Kessoth en resta petrifié de stupeur.Mais même s'il avait eu une brillante réplique en tête, le capitaine Bosch intervint trop vite pour lui laisser le temps de dire quoi que ce soit.
-Bien entendu nous avons toujours laissé le bénéfice du doute à nos hommes, quels que soient les soupçons pesant sur eux.Mais voilà...les nouvelles directives en provenance d'Hurlevent sont très claires.Nous devons faire le ménage dans nos rangs et respecter des quotas de renvoyés.
Kessoth tenta d'émettre quelques sons mais ceux-ci lui restèrent en travers de la gorge.
-Sérieusement, dit le lieutenant Fritz, vous vous êtes bien regardé ?Vous êtes un zombie mon vieux, et pas très frais en plus.Sans votre tabard et votre armure, il y a belle lurette qu'un de vos propres camarades vous aurait tranché la gorge en vous prenant pour l'ennemi.Et puis franchement...un mort-vivant dans la VIIème Légion...ça ne fait pas très sérieux.Nous sommes censés être l'élite de l'Alliance, pas un ramassis de cadavres en décomposition !
Ca ne fait pas très sérieux ?! Kessoth, qui n'avait sans doute jamais plaisanté de toute sa vie, n'en aurait pas cru son oreille si la phrase n'avait pas généré des échos infinis dans son esprit.
-Nous ne sommes cependant pas des ingrats, poursuivit le Capitaine Bosch, qui essayait apparemment d'atténuer le choc tout en niant la réalité.Un soldat dont la carrière militaire est aussi longue et...ahem...riche que la vôtre ne part pas de l'armée sans certaines compensations.
Il finit sur un sourire complice que Kessoth ne lui rendit pas.Non seulement parce que le manque de chair sur son visage rendait cette opération difficile, mais surtout parce qu'il n'imaginait pas comment on pourrait "compenser" son renvoi de la Légion.L'armée, c'était toute sa vie.Et même plus.
-Une carrière militaire "riche" ?! s'exclama Fritz.C'est comme ça que vous appelez le fait d'avoir participé au massacre de Stratholme, d'avoir rejoint la Croisade écarlate pour finalement se faire zombifier par le Fléau ?
-Vous oubliez sa libération puis ses années de service parmi nous, fit Bosch avec un sourire crispé.
Kessoth tenta d'implorer le Commandant Harbinder du regard, mais celui-ci refusait de le regarder.Il resait assis à son fauteuil, le visage fermé.Il ne peut sans doute rien faire, pensa Kessoth.Il avait inconsciemment pris l'habitude d'excuser les défaillances de son supérieur.
-Quoi qu'il en soit, poursuivit le capitaine, votre départ est déja inscrit dans notre registre.Vous devrez avoir quitté les lieux d'ici demain soir, après avoir rendu le matériel militaire que vous prêtait le royaume pour la durée de votre engagement.
-Je...mon matériel, monsieur ? réussit à bafouiller Kessoth.
Le lieutenant Fritz lui expliqua avec un plaisir manifeste.
-Il veut dire votre armure, votre arme, tout ce qui vient de chez nous et qu'on vous a prêté en fait.Même vos rations.
-Je...mon casque aussi ? Je l'ai récupéré sur un cadavre, il ne vient pas de l'armurerie...
Il exhiba le heaume en question, qu'il tenait dans sa main gauche.Le Lieutenant Fritz lui accorda un bref coup d'oeil.
-Un heaume d'officier, hein ? Vous l'avez volé à qui ?
Kessoth ne répondit rien, paralysé par l'indignation.
-Le vol est un délit grave, mon vieux.Dans d'autres circonstances ça pourrait vous valoir un renvoi pur et simple.Mais dans votre cas...disons tout simplement qu'il est difficile à aggraver, haha.
-Mais, intervint rapidement Bosch, nous ne sommes pas des ingrats, comme nous vous l'avons déja dit.Vous pouvez garder votre casque, considérez cela comme un cadeau pour vos années de bons et loyaux services.Mais n'oubliez pas de rendre le reste.
-Vous devrez partir au plus tard demain soir, compléta le Capitaine Maller.
-Mais je...qu'est-ce que je vais faire après ? demanda Kessoth, qui ne parvenait toujours pas à y croire.
Mais il ferait ce qu'on lui demandait.Il avait toujours fait ce qu'on attendait de lui.
-Bah...fit Fritz.Un homme plein de ressources comme vous devrait réussir sa reconversion...
-J'ai entendu dire que Stromgarde cherchait des paysans, intervint Maller de manière inattendue.Vous pourriez toujours tenter votre chance là-bas.
-Un...un paysan ? bredouilla le caporal.
-Ca vous pose un problème ? dit Fritz.
-Allons, vous n'avez peut-être jamais connu ce mode vie, mais il n'a rien de difficile, tenta de le rassurer Bosch, citadin de toujours.Imaginez-vous sous un soleil radieux, entouré de verdure et de collègues de travail mélomanes...
Mélomanes ? pensa Kessoth.
-...avec pour seules tâches quotidiennes la moisson et la traite des vaches...
La traite des vaches ?!
-... ce sera une vie infiniment plus douce que celle que vous avez eu à supporter en tant que soldat.Une sorte de retraite paisible en somme.
Paisible ? Kessoth n'aurait jamais osé contredire un supérieur mais toute cette affaire semblait de plus en plus tenir du malentendu.Il avait eu à se rendre dans des fermes à plusieurs occasions et celles-ci n'avaient rien eu de paisible.Il se rappelait encore le mal qu'il avait avec les torches au début, mais il avait vite pris le coup de main.
Et il y avait bien sûr les régulières missions d'escorte du percepteur écarlate.Sans avoir à s'occuper du blabla ou de l'analyse de comptes,Kessoth n'avait d'ailleurs jamais appris à lire, il s'y ennuyait toujours.Les éternelles plaintes des ingrats qui refusaient de participer à l'effort de guerre, que ce soit en nourriture, en argent ou en membres de la famille, l'avaient toujours indigné et agacé.
Et on lui ordonnait maintenant de devenir un de ces civils qu'il méprisait tant...pas un civil utile, comme par exemple un forgeron ou un marin, mais un civil de la pire espèce, un paysan !Kessoth détestait les paysans, l'espèce de civil qu'on lui avait d'ailleurs le plus demandé de tuer.Il en avait massacré encore plus que de boulangers, une engeance pourtant complètement exterminée par les purges de la Croisade écarlate.
Le capitaine Bosch continuait de parler, mais Kessoth n'écoutait pas.Il regardait ses juges et bourreaux.Leurs visages, naguère si familiers,bien plus que le sien, lui semblaient maintenant complètement étrangers.Kessoth, gagné par une sorte de lucidité nettement supérieure à la sienne,était maintenant capable de leur percevoir un trait commun jusque-là complètement insoupçonné.
Un trait qui n'avait rien d'humain, du moins à ses yeux pourtant morts depuis des années.
C'étaient des fils.Chaque officier présent en avait un.Assez épais, il leur partait d'entre les omoplates pour rejoindre le ciel.Non, comprit Kessoth, pas le ciel, mais quelque chose d'autre, quelque chose de gigantesque qui flottait dans les airs.
Une main, s'aperçut-il.C'était une main.Le paysage jusqu'ici brumeux et indistinct s'éclaira soudain et il put distinguer tous les autres soldats de la région.Tous sans exception étaient reliés à cette main monstrueuse, obéissaient à sa sinistre volonté.
C'était de sa faute si l'Alliance essuyait tant de défaites ces dernières années, de sa faute si tant de braves soldats s'étaient sacrifiés en vain tandis que ces salauds de civils se goinfraient à l'arrière.Kessoth le sentait, il le sentait au plus profond de lui-même, pourtant sacrément profond.
Il ne s'aperçut de l'évidence qu'en sentant son dos tressaillir puis se raidir de manière inexpliquable.Lui aussi était relié à cette main.
Il tenta de hurler, de dégainer sa claymore et de trancher net ce maudit fil mais il ne pouvait tout à coup plus contrôler ses mouvements.Son corps, qui lui était pourtant resté fidèle après avoir dépassé la date limite, ne lui obéissait plus.
Il ne put que hurler en pensée :"NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNN...." et se résigner à son s...
-Kessoth ? Kessoth ? Qu'est-ce qui t'arrive mon vieux ? demanda une voix inquiète.Mais bon sang, arrête de te griffer le dos !
-Je...hein..?
Kessoth le bleu ouvrit les yeux.Il se trouvait à son poste habituel, sur le Mur.Il leva les yeux.Aucune main monstrueuse, ni aucun satané fil.
-Depuis le temps que je te connais, c'est la première fois que je te vois dormir, constata le sergent Trunsk.
C'était un vieux camarade, et l'un des rares à le traiter normalement.
-Ca ne te réussit pas on dirait.Je comprends pourquoi tu ne dors jamais maintenant !
Il rit comme s'il venait de plaisanter alors qu'il n'avait fait qu'énoncer une réalité.
-Je n'avais pas dormi depuis...depuis que j'ai changé,constata Kessoth.Qu'est-ce que ça veut bien vouloir dire ?
Trunsk haussa les épaules.
-Que t'avais bien besoin d'un petit somme ?
Kessoth réfléchit à la question.Se ramollisait-il ?Son rêve avait-il une signification sérieuse ?Peut-être devait-il quitter l'armée, comme dans le rêve ?
Mais non, c'était ridicule.L'armée était toute sa vie et ce rêve était stupide, comme tous les rêves l'étaient, tous ceux qu'il se souvenait avoir fait en tout cas.
Franchement ,toute cette histoire de main et de fils, comme si lui et les autres n'étaient que de vulgaires pantins au service d'une volonté invisible, malfaisante et toute-puissante...c'était n'importe quoi.Kessoth obéissait aux ordres, commme tout bon soldat.Il n' avait pas à s'interroger et à douter.Il faisait ce qu'il avait à faire, sans culpabilité ni honte.
Et faire son travail ne faisait pas de lui un pantin.Il s'en serait aperçu quand même.
-Ahhh, mais je réfléchis trop ! dit-il à voix haute pour se vider la tête.
Ces pensées corruptrices devaient cesser.Ce qui était toujours plus facile avec ses médicaments, qu'il s'empressa d'aller chercher dans son sac et d'avaler.
-Ca va, vieux ?demanda Trunsk d'un air inquiet.Tu avais déja pris double dose de ces trucs hier...tu vas finir par faire une overdose !
-Merci, sergent, tout va très bien.Je vais reprendre mon poste sur le champ.
Il se redressa et se tourna en direction du Nord, là d'ou venait l'ennemi.
Un regard par dessus la rambarde lui apprit cependant que l'offensive réprouvée tant attendue n'était pas pour cette nuit.
Le sergent vint se placer à côté de lui, une chope de bière remplie à la main.
-Tu crois vraiment qu'ils vont attaquer un jour ? demanda-t-il.
-Ils viendront, sergent, affirma Kessoth.C'est dans leur nature maléfique.
Trunsk émit un grognement sceptique puis avala sa bière, mais Kessoth n'y prêta pas attention.Les médicaments l'avaient aidé à comprendre la signification de son rêve.C'était la nature des Réprouvés que le rêve lui avait montré.De sinistres pantins maléfiques...ça ne pouvait être qu'eux.Le rêve s'était juste trompé en les remplaçant par des soldats humains de la VIIème Légion.Même les rêves pouvaient se tromper, de l'avis de Kessoth.
-Ils viendront, répéta Kessoth.Et ce jour-là...ils devront affronter l'élite de l'Alliance.
Dernière édition par Greyam le Lun 22 Oct 2012 - 22:54, édité 5 fois